Église de Santiago de Gobiendes: art préroman en bord de mer

Ceux qui s'approchent de l'église de Gobiendes, dans la commune de Colunga, ont intérêt à le faire avec l'humilité d'un pèlerin, l'intérêt d'un archéologue et l'esprit d'un randonneur. Avec un regard attentif : au nord, la côte ; au sud, la majestueuse chaîne de montagnes du Sueve. Par temps clair, le paysage entre dans le temple comme une vieille connaissance et l'étymologie de ce nom de lieu prend tout son sens : "Gobiendes" ("ceux qui sont joyeux"). Un lieu évocateur comme il en existe peu.

Santiago de Gobiendes est l'une de ces églises qui, sans vantardise ni prétention, résume fidèlement une époque. Elle fut construite dans les dernières années du IXe siècle, alors que les échos héroïques de Covadonga devenaient déjà légendaires et que la monarchie asturienne entamait sa transition vers León. Il s'agissait d'une œuvre rurale, loin des grands temples directement promus par la cour d'Oviedo. Mais sa situation périphérique ne l'empêcha pas de dominer un vaste territoire entre la mer Cantabrique et les pentes du Sueve, passage naturel vers les vallées intérieures des Asturies orientales.

La charte de fondation de l'église n'a pas été conservée, et sa première apparition dans les documents date de l'an 921, lorsque le roi Ordoño II en fit don à la cathédrale d'Oviedo. Cette mention tardive suggère que le temple avait déjà un passé, et c'est pourquoi certains experts datent sa construction à l'époque d'Alphonse III, ou même plus tôt, sous le règne d'Ordoño I. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une initiative royale au sens strict du terme, mais plutôt des efforts de la noblesse locale pour consolider sa position dans la région. Gobiendes est très similaire à San Salvador de Priesca, un autre temple du haut Moyen Âge promu par un groupe de nobles à la même époque et dans la commune voisine de Villaviciosa. Ce n'est peut-être pas une coïncidence si les deux églises se trouvent à proximité du Chemin de Saint-Jacques (déclaré site du patrimoine mondial en 2015). Gobiendes est également consacrée à Santiago lui-même, saint patron et protecteur des royaumes chrétiens.

Des décennies plus tôt, Alphonse II le Chaste avait effectué le premier pèlerinage au tombeau (récemment découvert) de l'apôtre à Compostelle. Il inaugurait ainsi un but sacré qui allait commencer à vertébrer le territoire d'une grande partie des Asturies. Il est vrai que Gobiendes ne figure pas sur les itinéraires officiels du Chemin, mais il se trouve à peine à un kilomètre au sud de son tracé. Un itinéraire qui, à l'époque, n'était qu'une somme d'intuitions et de croisements de chemins.

En franchissant le seuil de Santiago de Gobiendes et en avançant dans sa nef centrale - longue de près de dix mètres -, nous sommes enveloppés d'une douce lumière naturelle qui filtre encore à travers certaines fermetures en albâtre qui ont survécu au passage du temps. L'église conserve également sa structure basilicale d'origine : trois nefs séparées par des arcs en brique, reposant sur d'imposants chapiteaux et piliers carrés, une structure ferme et fonctionnelle. Les chapelles latérales, de plan rectangulaire et couvertes par des voûtes en pierre de tuf, conservent leur caractère original, avec des restes de colonnes, des chapiteaux à décoration végétale et d'autres détails d'un grand raffinement, typiques du meilleur art préroman des Asturies. La pierre de l'autel primitif a été sobrement travaillée, non pas pour impressionner, mais pour arrêter le temps. D'autres fragments, tels que des chapiteaux, des fûts, des bases et une fenêtre à meneau, se trouvent aujourd'hui au musée de l'église d'Oviedo.

Mais ce temple ne doit pas seulement être admiré, il doit être compris. Il faut connaître une partie de son histoire pour l'apprécier à sa juste valeur, car en plus de ses mille ans d'histoire, il a subi plusieurs réformes (parfois malheureuses) qui ont modifié sa physionomie. Au XVIIIe siècle, l'abside a été agrandie et voûtée selon les goûts liturgiques de l'époque, plus baroques qu'asturiens. En 1853, le néoclassicisme l'emporte et sacrifie le chevet d'origine, les arcs aveugles et le tabernacle. Le clocher, la galerie latérale et, probablement, le portique actuel suivirent peu après. Dans les années 80 du XXe siècle, l'architecte Magín Berenguer, avec une bonne impulsion architecturale, a essayé de restaurer - dans la mesure du possible - son aspect d'origine.

Il est facile de se rendre à Gobiendes. Depuis Oviedo/Uviéu, il faut compter environ 50 minutes sur l'Autovía del Cantábrico ( en direction de Santander). Prendre la sortie 345 en direction de Colunga. Ensuite, il faut parcourir 5 kilomètres sur l'AS-257, une montée douce jusqu'au village. L'église vous accueille presque au bord de la route.

Elle peut être visitée, bien qu'il n'y ait pas d'heures d'ouverture spécifiques. Elle est encore utilisée comme église paroissiale et l'on peut donc y pénétrer avec respect lors des cérémonies religieuses, en particulier le dimanche ou les jours de fête. En dehors du culte, pour les visites culturelles ou touristiques, il est indispensable de prendre rendez-vous auprès du Centre d'Interprétation de la Sueve, situé juste à côté (tél. 655 809 773).

Si vous aimez la randonnée, vous avez une magnifique occasion de le faire depuis Gobiendes. Nous pouvons nous rendre à l'un des points de vue les plus visités des Asturies : le Mirador del Fitu, quelques kilomètres plus loin sur la route AS-260. Le Fitu est le point de départ de très beaux itinéraires, comme ceux qui mènent au Picu Pienzu ou à la hêtraie de Biescona.

Si nous préférons prolonger notre journée de tourisme culturel, nous pouvons visiter le palais de Gobiendes, une énorme demeure construite sur le site d'une tour de défense du XVe siècle. Il n'est pas ouvert au public, du moins pas régulièrement, mais il peut être admiré de l'extérieur sans difficulté, car il est situé au cœur du village.

Gobiendes et ses environs nous invitent à un tourisme différent. Le portique de cette église fait revivre une sensation ancienne, de celles que le corps reconnaît instantanément. De là, la vue s'ouvre sur l'imposante Sierra del Sueve. Une toile de fond qui change à chaque nuage.